Exclure l’histoire du débat public, c’est mettre l’idée de démocratie en péril
Régulièrement le pouvoir tremble à l’idée de se voir remis en cause dans l’un de ses fondements : la légitimité historique. Pour conforter son détournement, il désigne donc, tout aussi invariablement, des cibles à lyncher sans retenue. Aujourd’hui c’est Saïd Sadi qui a créé l’émoi à cause d’un passage d’une conférence qui est présenté comme diffamatoire. Un procureur s’est aussitôt auto saisi et veut traîner devant un tribunal cette personnalité politique qui se confronte depuis des années à l’histoire officielle. La célérité avec laquelle les poursuites ont été entamées souligne scandaleusement à quel point les conservateurs du système partagent la même matrice idéologique que les islamistes ayant proféré des appels à condamner à mort un chroniqueur et écrivain critique.
Le respect de la vérité historique ne peut s’accommoder d’amalgame et d’injustice. Nous assistons donc à une utilisation profondément perverse de la loi sur la diffamation, un grave précédent à l’occasion duquel on voudrait substituer la justice au débat. L’histoire de notre pays n’a aucun besoin de faux protecteurs. Le véritable devoir de l’Etat est de garantir la liberté d’expression autour de ce patrimoine. Malheureusement l’Etat avait déjà montré ses limites lors des attaques contre le film « l’oranais ». Ces péripéties nous montrent que le pouvoir ne cherche pas le débat contradictoire, argument contre argument. Il s’obstine dans la promotion de méthodes despotiques. Elles sont indignes de la mémoire des personnalités qu’on prétend légitimement protéger et elles alimentent les diversions. La seule volonté du pouvoir paraît ainsi de discréditer, voire de criminaliser toute contestation de la politique actuelle et de ses fondements historiques. La véritable outrance et la surenchère sont là.
Le débat sur l’histoire et l’identité nationale ne peut que se développer en réponse aux tentatives de confiscation renouvelées. L’attrait de certaines catégories pour les controverses historiques, notamment la jeunesse, alors que le pouvoir est incapable de les mobiliser montre que ses pratiques arbitraires sont contre-productives. Elles détournent au profit de thèses antipatriotiques le juste sentiment d’exaspération face à l’instrumentalisation de l’histoire, à commencer par le sigle du FLN qui devrait être restitué au peuple algérien. Elle donne prise à ceux qui profitent d’une démarcation sélective des différentes formes de critiques de l’histoire officielle. Les islamistes qui tournent le dos à l’Etat de Novembre, qui ont flétri la mémoire des chouhadas, détruit leurs tombes et égorgés des moudjahidines ont bénéficié de la complaisance du pouvoir. A leur tour, ils lui offrent leur silence, tout en espérant ne pas rompre leur coordination avec Sadi autour des libertés et de la transition démocratique.
Faut-il le rappeler ? Le MDS ne tolère pas, le MDS ne tolèrera jamais que des actes anti-démocratiques dénaturent la cause patriotique. Plutôt qu’un procès, une des urgences en matière d’écriture de l’histoire c’est de mettre les archives à la disposition des chercheurs. En attendant, la Constitution algérienne condamne l’instrumentalisation de notre patrimoine. C’est justement contre une histoire formatée à des fins de pouvoir que s’insurge l’ex-président du RCD. Ceux qui confondent sciemment le débat politique et la dénonciation d’une histoire officielle avec la diffamation se conduisent en incendiaires et non en pompiers. Ceux qui prétendent mettre en œuvre la loi contre la diffamation se doivent d’abord de défendre la Constitution et la liberté d’expression seule garante de l’élaboration d’un récit national commun.
Alger, le 07 janvier 2015
Le bureau national